Moussa Ismaila Touré : “L’investissement au Mali est devenu rentable, et le secteur privé est la clef du développement”
L’agence pour la promotion des investissements au Mali (API Mali) continue son Roadshow à Alger, une délégation d’hommes d’affaires, d’entrepreneurs, et d’investisseurs font une tournée d’affaires depuis quelques jours dans la capitale, afin de promouvoir l’investissement au Mali, et présenter les opportunités actuelles, dictées par une conjoncture économique au Mali qui semble plus propice au développement.
L’API Mali, qui a signé ce lundi 8 octobre 2018, un Mémorandum d’entente avec le groupe IVAL, portant sur l’implantation d’un centre de distribution et de services après-vente des véhicules montés par la société à Bamako, nous a accordé une interview, à travers une rencontre avec son Directeur Général Moussa Ismaïlia Toure. Il a été question lors de cette entrevue, de la conjoncture économique du Mali, des nouvelles résolutions du gouvernement Malien pour promouvoir l’investissement étrangers, et un regard sur l’Algérie…
Propos recueillis par Hamza Chelouche :
Mr. Moussa Ismaïlia Toure ; Bonjour, vous êtes le Directeur Général de l’Agence pour la Promotion des Investissements au Mali, « API Mali »
Un organisme publique, qui encourage et soutient le développement des investissements Au Mali
Alors que tout semble stable au Mali, avec la reconduction de l’accord de Paix (2015) et la réélection d’Ibrahim Boubacar Keita…
Comment décrivez-vous le climat des affaires au Mali ? Mr Touré
« L’environnement des affaires est en constante et perpétuelle évolution, le Mali a traversé une période difficile, une crise multidimensionnelle notamment à partir de 2012, mais aujourd’hui le plus gros est derrière nous, les autorités sont engagées dans l’application de l’accord de paix, dont l’Algérie a été un maitre d’ouvre clef. Sur le plan macroéconomique, le pays enregistre une croissance économique moyenne de 5% sur les dernières années (5.8% en 2017), nous avons une faible inflation, un secteur privé qui se développe, et surtout un état très engagé à donner plus de place au privé… les choses sont sur la bonne voie.
Quel est le model économique actuel du Mali (Une libéralisation progressive du marché dans les années 80, puis la crise politique 2012…)
« L’état est conscient qu’il n’a pas les moyens à lui seul de ses ambitions, et pour les atteindre, l’élément incontournable c’est le secteur privé, nous voulons faire de ce secteur le moteur de notre économie…tout est fait dans ce sens »
Quel est concrètement le rôle de l’API ?
Notre mission se résume en deux grands chapitres :
- l’amélioration de l’image du Mali :
la crise de 2012 a fortement entaché l’image du Mali sur le plan international, et cela a affecté la perception sur la destination Mali du point de vue des investisseurs, notre mission est de faire face à des difficultés certes encore présentes, mais qui ne sont pas forcément celles décrites sur Google ou autre, la réalité est très souvent différente, et nous sommes la pour corriger cette distorsion là … »
- Le deuxième axe autour duquel s’articule la mission de l’API, c’est notre activité de promotion de l’investissement, et surtout l’accompagnement desdits investisseurs, nous mettons en lumière les opportunités d’investissement au Mali, et nous accompagnons ceux qui décident de venir saisir ces opportunité, du début jusqu’à la fin, avec un suivi qui continue au delà même des périodes requises, ‘post-installation’ »
Vous parlez du climat des affaires qui se stabilise, et devient de plus en plus enclin à accueillir de l’investissement ; un rapport publié en Février 2018 par le FMI, dresse un bilan assez négatif de la situation du Mali, et parle d’un climat des affaires instable et fragile, le transport qui pose de gros problèmes de logistique, l’accès à l’électricité (seulement 25.6% de la population a accès à l’électricité), la corruption…
Comment faites-vous pour rassurer vos investisseurs ?
« Ce tableau qui n’est certes pas très favorable, constitue pour nous « en soit » les véritables opportunités, ‘toutes ces difficultés sont pour nous des opportunités’, pour reprendre l’exemple de l’accès à l’électricité, cela veut dire qu’il y a 75% de la population malienne qui n y a pas accès, c’est tout simplement 75% d’opportunités de développement dans le secteur des énergies…
C’est le message que nous voulons faire passer justement, nous disons aux investisseurs de venir et ramener avec eux leur expertises, et leur savoir-faire, tout en bénéficiant de taux de retour sur investissement excellents, c’est une situation qui peut profiter à nous au même titre que les investisseurs… »
Quels sont les secteurs favorables à l’investissement actuellement ?
Nous avons priorisé 4 secteurs clefs :
- L’agriculture : un secteur qui occupe presque 70% de la population active, l’état consacre 15% du budget national pour ce secteur hautement stratégique
- L’élevage : Le Mali est le premier pays en termes de Cheptel, en sous-région d’Afrique de l’ouest après le Nigéria, ce qui représente un potentiel à n’en point douter
- L’énergie : à L’image de l’Algérie, le Mali jouit d’une excellente exposition solaire… nous devons à travers la capitalisation de cette source limiter le cout inhérent à l’énergie, qui demeure un facteur bloquant le développement économique en général, les investissements dans le domaine des énergies renouvelables permettront de réduire ce cout progressivement et d’améliorer la compétitivité nationale.
- Les infrastructures : le Mali est l’un des plus grands pays en Afrique, il y a beaucoup à faire en ce sens. Cependant, en termes d’opportunités d’investissement, cette liste est loin d’être exhaustive. En effet, de nombreux projets d’investissements sont identifiés dans le secteur des mines, de l’artisanat, de la santé, de l’éducation, etc.
Sur votre site (http://www.apimali.gov.ml/) vous parlez d’exonérations fiscales accordées sous certaines conditions, quelles sont-elles ?
Nous avons un code des investissements parmi les plus attractifs, de toute la région Afrique de l’ouest, l’investisseur peut bénéficier d’exonérations fiscales au niveau du cordon douanier, sur le matériel de production, les équipements…
Si votre projet est agréé ‘code des investissements’, vous bénéficiez alors de divers avantages dont la durée et l’importance dépendent du niveau de votre investissement
En Janvier 2018 il y a eu la12eme édition de la foire internationale de Bamako, avec l’Algérie en invité d’honneur, et hier VOUS avez été le médiateur pour la signature d’un mémorandum portant sur l’implantation d’un centre de distribution et de services après-vente des véhicules montés par la société IVAL, qui sera installé à Bamako
Un mot concernant cet accord, et ce projet avec le groupe IVAL ?
« L’axe Mali-Algérie est un axe stratégique pour nos deux ays, nous savons que le gouvernement algérien encourage fortement la production nationale, et l’exportation, au Mali, nous sommes demandeur de l’expérience algérienne, forte de son industrialisation, et il faut impérativement profiter de l’excellente relation politique et diplomatique entre nos deux pays, et faire fructifier cela sur les deux rives…
Cet accord est un premier Jalon qui vient couronner notre mission à Alger, nous en sommes ravis, l’histoire avec le Groupe IVAL sera tellement belle, que les autres vont regretter de ne pas avoir été les premiers. (Rires)
Le FMI parle de 3 facteurs clefs de développement du Mali
- La stabilité et la sécurité
- -Le développement du secteur privé qui nécessite une meilleure gouvernance publique, et une meilleure mobilisation des ressources afin de faire augmenter les besoins en investissement, un partage équitable des fonds entre les secteurs, en somme améliorer le publique, pour améliorer le privé…
Partant du postulat que votre organisme constitue le point d’entré, et la passerelle entre le Mali et le reste du monde, ou en êtes vous par rapport au secteur privé ?
Le secteur privé est réellement une priorité plus qu’affirmée de l’état malien qui a compris qu’il ne pouvait pas agir tout seul, et qui joue le rôle de régulateur, afin d’assurer les meilleures conditions possibles pour l’épanouissement du privé au Mali, de nombreuse réformes sont entreprises dans ce sens, à l’image de la loi pour gérer le partenariat public-privé, un vide juridique qui a été comblé, et les investisseurs peuvent désormais opérer dans un cadre réglementaire qui rassure tout le monde.
Nous sommes entrain de dématérialiser le processus de création d’entreprises, bientôt (Début de l’année prochaine) il sera possible d’un simple clic de créer son entreprise au Mali via Internet)
Le capital minimum requis pour les SARL a été ramené de 1 million de Franc CFA (1500 euro), à 5000 FCFA (moins de 7 euros) afin de faciliter au maximum la création de PME-PMI et booster l’entreprenariat
Pensez-vous qu’on arrivera un jour à une monnaie africaine unifiée ? Et qu’on sorte de l’égide occidentale du Franc CFA ?
L’histoire et l’euro nous prouvent que c’est une résultante logique, nous avons des unions économiques qui sont entrain de se consolider et s’agrandir, l’union monétaire sera une suite normale, et personnellement j’y suis favorable « l’union africaine ne pourra exister que si l’unité économique et monétaire est garantie. »
Le FMI parle de la nécessité de générer une forte et constante croissance économique comme troisième facteur clef de développement, Comment peut-on générer une croissance économique forte ?
La stabilité et la sécurité sont dés préalables indispensables pour ce faire, l’état y consacre 15% à 20% de son budget, les réformes économiques faites par l’état vont aussi dans ce sens, notre croissance économique moyenne de 5% sur les cinq dernières années aurait pu être meilleure, il nous faudra accélérer ce rythme, et nous sommes sur le bon chemin. Nous sommes en transition d’une économie dominée aujourd’hui par le commerce, vers une économie créatrice de valeur et de richesse, grâce à une industrialisation qui assurera notamment la transformation des ressources naturelles et des productions agricoles.
Un mot sur l’Algérie
Mr Touré, vous jouissez d’une carrière très riche en expériences managériales, en gestion et en économie, quel est votre regard expert concernant la situation économique de l’Algérie, et notamment la règle 51-49, ne s’agit-il pas ici d’un répulsif pour les investisseurs potentiels ?
Si je dois me référer au model économique algérien ces dernières années, je ne peux pas dire que ca n’a pas marché… ! Il y eu des succès, jusqu’à ce que l’état encourage aujourd’hui les exportations, il y a une dynamique qui est en place, la règle 51-49 peut effectivement être perçue de l’extérieure comme une barrière, mais en termes de partage des risques, cela reste intéressant… elle peut favoriser aussi le transfert de technologies… avoir un partenaire local constitue un véritable atout, et c’est même un prérequis pour la plupart des investisseurs étrangers, maintenant faut-il libérer un peu plus, et accorder plus de crédit aux investisseurs étrangers ? , cela sera dicté par les lois de l’économie…